L’amende de 25% jugée inconstitutionnelle : vers une reforme accélérée du régime du mécénat ?

 

Dans une décision du 12 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a considéré que la pénalité de 25% prévue par l’article 1740 A du Code général des impôts (CGI) devait être abrogée à compter du 1erjanvier 2019.  Jugée inconstitutionnelle, la remise en question de cette disposition légale offre certainement au Gouvernement une raison de plus pour engager une réforme profonde du régime du mécénat (L. 2003-709 du 1er août 2003).

 

L’article 1740 du CGI[1] disposait que « La délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d’obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d’impôt ou une réduction d’impôt, entraîne l’application d’une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents ou, à défaut d’une telle mention, d’une amende égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction d’impôt indûment obtenu ».

L’amende prévue au premier alinéa s’applique également en cas de délivrance irrégulière de l’attestation mentionnée à la seconde phrase du 2° du g du 1 de l’article 200 et à la seconde phrase du 2° du g du 1 de l’article 238 bis. »

Or, conformément à la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018 :

– Le premier alinéa de l’article 1740 A du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, est jugé contraire à la Constitution, en ce qu’il contrevient à l’article 8 de la Déclaration des droit de l’homme et du citoyen de 1789 :« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue. »;

En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu lutter contre la délivrance abusive ou frauduleuse d’attestations ouvrant droit à un avantage fiscal. Il a ainsi poursuivi l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Toutefois, en sanctionnant d’une amende d’un montant égal à l’avantage fiscal indûment obtenu par un tiers ou à 25 % des sommes indûment mentionnées sur le document sans que soit établi le caractère intentionnel du manquement réprimé, le législateur a institué une amende revêtant un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de ce manquement.

Par conséquent, le premier alinéa de l’article 1740 A du code général des impôts, qui méconnaît le principe de proportionnalité des peines, doit être déclaré contraire à la Constitution, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief.

– L’abrogation de ces dispositions est reportée au 1erjanvier 2019. En l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver de fondement la sanction de la délivrance irrégulière de documents permettant à un tiers d’obtenir indûment un avantage fiscal, même dans le cas où le caractère intentionnel du manquement sanctionné serait établi. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par conséquent, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2019 la date de l’abrogation des dispositions contestées.

– Jusqu’à cette date, l’amende instituée par le premier alinéa de l’article 1740 A du code général des impôts s’applique uniquement aux personnes qui ont sciemment délivré des documents permettant à un contribuable d’obtenir un avantage fiscal indu.

Bien entendu, la position exprimée par le Conseil constitutionnel s’avère être particulièrement protectrice des libertés individuelles. Mais au moment où le Gouvernement envisage de revoir en profondeur le régime actuel du mécénat – souvent assimilé à tort dans les médias comme une niche fiscale – une telle décision ne peut qu’accélérer le processus de réforme attendu.

 

Colas AMBLARD

Docteur en droit

Avocat associé, NPS CONSULTING

 

En savoir plus :

 

C.C. décision n°2018-739 QPC du 12 octobre 2018