Biens reçus par les associations : quels droits d’enregistrement ?

En cours d’existence, nombreuses sont les associations concernées par la transmission d’un bien, soit à l’issue d’une opération de restructuration, soit lorsqu’elles reçoivent des libéralités. Autant de situations complexes qu’il convient d’appréhender avec beaucoup de rigueur sur le plan juridique pour sécuriser, voire optimiser ces opérations sur un plan fiscal.

Au vu des missions qu’elles s’assignent le plus souvent, qu’elles soient d’utilité sociale[1] ou d’intérêt général[2], les associations ont plus que quiconque vocation à recevoir des libéralités (dons et legs). Or, si celles-ci se matérialisent dans la plupart des cas par des versements dépourvus de tout formalisme (dons manuels), la transmission de biens en faveur d’une association peut aussi être la résultante d’opérations plus complexes requérant en principe plus de solennité. Après vérification de leur capacité juridique – à recevoir –, il appartiendra à ces organismes sans but lucratif (OSBL) de qualifier juridiquement l’opération donnant lieu à transmission de patrimoine (don ou apport) afin d’être en capacité d’identifier leurs obligations en matière de droits d’enregistrement ou de mutation.

I. Biens reçus d’une autre association

1. Dons et legs

Une association peut être conduite à recevoir les biens d’une autre association soit en cours de vie, lorsque l’assemblée générale décide de faire don d’une partie de son patrimoine[3] à une autre association, soit en fin de vie, lorsque l’assemblée générale décide sa dissolution et choisit une autre association comme attributaire de son patrimoine à l’issue de la phase de liquidation. À défaut de dispositions spécifiques – donation par acte authentique pour le transfert d’immobiliers (v. infra) –, la dévolution de biens d’une association à une autre association est enregistrée au droit fixe de 125 euros[4].

2. Autres biens reçus par une association

Les particuliers et les entreprises participent directement au financement des associations, notamment par l’intermédiaire de dons manuels entrant dans le dispositif de mécénat. Il peut également s’agir d’opérations plus solennelles (donations par acte authentique ou legs).

2.1. Dons manuels

  • Exonération de principe des associations. Les associations ne sont que très rarement taxables au titre des dons manuels qu’elles reçoivent. Sont en effet exonérés de droits de mutation à titre gratuit les organismes d’intérêt général mentionnés à l’article 200 du code général des impôts (CGI)[5], c’est-à-dire ceux qui peuvent bénéficier du régime de mécénat[6], et les OSBL concernés par l’une des exonérations spécifiques mentionnées à l’article 795, 2°, 4°, 5° et 14° (fonds de dotation)[7] du CGI.
  • Cas d’imposition des associations. Les OSBL autres que ceux précédemment mentionnés peuvent être soumis aux droits de donation à titre gratuit sur les dons manuels qu’ils reçoivent, mais exclusivement dans les cas limitativement énumérés par la loi[8] :
    • l’association bénéficiaire ou son représentant légal procède à la déclaration du don manuel dans un acte soumis à l’enregistrement ;
    • le don manuel fait l’objet d’une reconnaissance judiciaire – situation exceptionnelle ;
    • l’association révèle le don à l’administration.

Si le don manuel ne fait pas l’objet d’une reconnaissance judiciaire et s’il n’est ni déclaré ni révélé, il échappe à une taxation.

  • Droits de donation. L’assiette des droits est constituée par la valeur du don manuel constatée au jour de sa déclaration, son enregistrement, sa révélation, ou au jour de la donation si elle est supérieure. Les tarifs et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration, de l’enregistrement ou de la révélation du don manuel[9] ;
  • Déclaration et paiement. L’association bénéficiaire du don manuel a un mois pour effectuer la déclaration du don et acquitter les droits de donation correspondants. Cependant, lorsque la révélation du don est spontanée et que le don manuel est supérieur à 15 000 euros, l’association peut opter, lors de la révélation du don, pour une déclaration dans le mois qui suit le décès du donateur. Les dons manuels d’un montant supérieur à 15 000 euros dont la révélation est la conséquence d’une réponse du donataire à une demande de l’administration ou d’une procédure de contrôle fiscal doivent, quant à eux, être déclarés dans le délai d’un mois qui suit la date à laquelle ce don a été révélé.[10] La déclaration se fait au moyen d’un formulaire papier conforme au modèle fixé par l’administration.[11]

2.2 Donations par acte authentique et legs

À la différence des dons manuels, les donations constatées par acte authentique et les legs peuvent être taxables.

  • Dons et legs exonérés. Le régime d’exonération tient :
    • soit à l’objet de l’association : les dons et legs recueillis par les organismes ci-avant décrits à l’article 795, 2°, 4°, 5° du CGI sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit ;
    • soit à la nature des biens transmis : les associations ou fondations reconnues d’utilité publique peuvent bénéficier, le cas échéant, des exonérations générales de droits de mutation à titre gratuit attachées à la nature spécifique des biens transmis (œuvres d’art, monuments ou objets ayant un caractère historique, livres, imprimés ou manuscrits)[12] à des organismes pourvus de la personnalité civile lorsque ces œuvres d’art et objets sont destinés à intégrer une collection publique.

  • Dons et legs non exonérés. En l’absence d’exonération, les tarifs des droits de mutation applicables aux dons et legs faits aux associations[13] sont ceux exigibles entre frères et sœurs lorsque l’association ou la fondation est reconnue d’utilité publique – soit 35 % sur la fraction des biens transmis n’excédant pas 24 430 euros et 45 % au-delà – ou ceux exigibles entre personnes non parentes dans le cas contraire – soit une imposition au taux uniforme de 60 %. Lorsque la libéralité procède d’un legs, elle bénéficie de l’abattement à la base de 1 594 euros applicable à défaut d’autre abattement.[14] Les libéralités consenties aux associations ou fondations peuvent toutefois bénéficier de certaines exonérations de droits de mutation à titre gratuit. Les droits sont en principe immédiatement exigibles et payables comptant, sans possibilité de crédit, lors de la présentation à l’enregistrement de l’acte de donation ou lors du dépôt de la déclaration de succession.[15] En revanche, les associations qui bénéficient d’un legs peuvent s’acquitter des droits en plusieurs versements égaux et à intervalle de six mois au plus – paiement fractionné dans la limite de trois versements maximum – et sur une période maximale d’un an. Ce délai maximal peut être porté à trois ans et le nombre de versements porté à sept maximum si l’actif transmis est composé pour moitié au moins de biens non liquides (immeubles notamment).[16] Lorsque le legs est grevé d’usufruit, l’association qui reçoit la nue-propriété peut demander à n’acquitter les droits correspondants à la valeur imposable de cette dernière que dans les six mois qui suivront la réunion de l’usufruit à la nue-propriété (paiement différé).[17]

II. APPORTS

Si les associations ne disposent pas toutes de la capacité juridique pour bénéficier de libéralités (dons notariés et legs) autres que les dons manuels, elles sont en droit de recueillir des apports[18],que ce soit lors de leur création ou en cours de vie, sans qu’aucune autorisation ne soit nécessaire. À ce stade, il importe de savoir que l’apport se différencie de la libéralité sur plusieurs points :

  • La donation se caractérise par l’intention libérale du donateur alors que l’apport suppose l’existence d’une contrepartie morale au bénéfice de l’apporteur suffisamment consistante[19] pour éviter tout risque de requalification de l’opération en donation ;
  • La donation est en principe irrévocable[20] alors même que l’apport peut être assorti d’un droit de reprise au bénéfice de l’apporteur ou de ses héritiers ;
  • Les charges et conditions prévues dans l’acte d’apport ne sont pas révisables, contrairement à celles qui peuvent grever une libéralité ; „„
  • L’apport n’est pas soumis au contrôle des autorités de tutelle, à l’inverse de la libéralité ;
  • Les droits à payer sont différents, les libéralités étant généralement plus lourdement taxées que les apports.

Le montant des droits d’enregistrement diffère selon que l’apport est réalisé à titre pur et simple ou avec charge ou conditions.

1. Apports purs et simples

1.1 Apports d’immeubles

Par exception, les apports d’immeubles ou de droits immobiliers faits à une association passible de l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun par une personne physique ou par une personne morale non passible de l’impôt sur les sociétés, sont assimilés à une mutation à titre onéreux[21] et en principe soumis au droit de 5 %. Cependant, ces apports peuvent être enregistrés gratuitement, à la double condition que :

  • L’apporteur prenne un engagement de conservation des titres pendant trois ans. L’administration admet toutefois qu’un tel engagement est sans objet pour des apports réalisés au profit d’une association lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par des droits sociaux[22] ;
  • Les immeubles ou droits immobiliers soient compris dans l’apport de l’ensemble des éléments d’actifs immobilisés affectés à l’exercice d’une activité professionnelle[23].

Les apports qui entrent dans le champ d’application de la TVA sont enregistrés gratuitement, qu’ils soient effectués lors de la constitution de l’association ou en cours de vie associative[24].

1.2 Autres apports

Les apports en numéraire ou de biens autres que des immeubles ne sont pas imposables, sauf s’ils sont présentés volontairement à l’enregistrement, auquel cas ils sont soumis au droit fixe de 125 euros.[25]

S’il est rémunéré par l’association par une prestation appréciable en argent (espèces, obligations, prise en charge d’un passif incombant à l’apporteur), un apport avec charges ou conditions est généralement assimilé à un apport à titre onéreux.

2. Apports avec charges ou conditions

En cas d’apport mixte, c’est-à-dire lorsque seule une partie est rémunérée par une prestation appréciable en argent, l’apport est soumis au régime des apports à titre onéreux mais uniquement pour la partie donnant lieu à rémunération et au régime des apports purs et simples pour le solde[26].

Dans le cadre de fusion, scission et apport partiel d’actif entre associations[27], ces opérations sont enregistrées gratuitement[28], sous réserve des droits applicables lorsque l’opération de restructuration entraîne le transfert de propriété d’immeubles ou de droits immobiliers.

  • Apports à titre onéreux d’immeubles ou de droits immobiliers

Les apports à titre onéreux d’immeubles ou de droits immobiliers sont soumis à une taxation spécifique de 5 %[29], composée du droit budgétaire de 2,20 %[30] auquel s’ajoutent la taxe départementale de 1,60 %[31] ainsi que la taxe communale de 1,20 %.[32]

  • Autres apports

Les autres apports sont soumis aux droits de mutation ordinaires selon la nature des biens apportés.

En tout état de cause, le paiement des droits incombe normalement à l’association bénéficiaire de l’apport même s’il n’est pas interdit à l’apporteur d’en supporter le coût. Toutefois, cette prise en charge constituera un supplément d’apport dont il conviendra de tenir compte pour le calcul des droits.

En définitive, l’apport avec ou sans droit de reprise[33] peut constituer un moyen efficace pour passer outre l’incapacité juridique de certaines associations de percevoir des dons autres que manuels. Le recours à cette technique permet également non seulement de minimiser, mais aussi de sécuriser le coût fiscal de cette transmission de patrimoine[34].

En savoir plus : 

Juris Associations 664 – 15 septembre 2022

« Apport : une opération trop méconnue par les porteurs de projet associatif », Colas AMBLARD, Institut ISBL janvier 2021

Notes :

↑1BOFiP-Impôts, BOI-IS-CHAMP-10- 50-10-20 du 7 juin 2017, § 590 à 620.
↑2CGI, art. 200 et 238 bis.
↑3Dans l’hypothèse où ce transfert de propriété porte sur une branche « complète et autonome d’activité » ; v. infra note 27.
↑4, ↑25CGI, art. 680.
↑5CGI, art. 757, al. 3.
↑6L. n° 2003-709 du 1er août 2003.
↑7C. Amblard, Fonds de dotation : une révolution dans le monde des institu- tions sans but lucratif, 2e éd., Wolters Kluwer, coll. « Axe droit », juin 2015.
↑8CGI, art. 757, al. 1er et 2.
↑9CGI, art. 757, al. 1er et 2 ; les disposi- tions de l’article 757, alinéa 2 du CGI por- tant sur l’assiette des dons révélés sont constitutionnelles (Cons. const. 9 juill. 2021, no 2021-923 qPC, RJF 10/21, no 960).
↑10CGI, art. 635 A.
↑11Cerfa n° 2735-SD pour les dons manuels et Cerfa n° 2734-SD lorsque le don manuel est supérieur à 15 000 euros.
↑12CGI, art. 795, 1° et 6°.
↑13CGI, art. 777.
↑14CGI, art. 788, IV.
↑15BOFiP-Impôts, BOI-ENR-DG-50-10-10 du 12 sept. 2012, § 10.
↑16CGI, ann. III, art. 404 A, I.
↑17CGI, ann. III, art. 397 et 404 B.
↑18L. du 1er juill. 1901, art. 1er ; décr. du 16 août 1901, art. 15 ; CGI, art. 809, I, 2o.
↑19Com. 7 juill. 2009, n° 07-21.957, BAF 5/09, inf. 204.
↑20C. civ., art. 894
↑21CGI, art. 809, I, 3o.
↑22BOFiP-Impôts, BOI-ENR-AVS- 10-10-20 du 6 avr. 2016, § 400.
↑23CGI, art. 810, III.
↑24CGI, art. 810, IV.
↑26CGI, art. 672, al. 2.
↑27CGI,art.210Aà210C.
↑28CGI, art. 816.
↑29Ou 5,60 % s’il s’agit de locaux situés en Île-de-France : CGI, art. 1599 sexies.
↑30CGI, art. 683 bis
↑31CGI, art. 1595.
↑32CGI, art. 1584 ou 1595 bis.
↑33Civ. 1re, 4 nov. 1982, inédit, Rev. sociétés 1983. 826, note G. Sousi ; Civ. 1re, 27 juin 2000, no 98-17.733, RJDA 11/00, n° 1002 ; v. égal. Civ. 1re, 1er mars 1988, n° 86-13.158, Bull. civ. I, n° 52 ; Com. 7 juill. 2009, n° 07-21.957, préc.
↑34JA 2021, n° 650, p. 33, étude C. Amblard.
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