Institutions Sans But Lucratif : oeuvrons ensemble pour faire de la complexité un levier de progrès

Depuis 2006, notre partenaire ISBL consultants informe et forme les ISBL (associations, fondations, fonds de dotation…) tout en s’attachant à démontrer que l’entrepreneuriat associatif (depuis la loi du 31 juillet 2014, nous avons élargi notre propos à l’Économie sociale et solidaire) demande un savoir-faire particulier. Mais avant tout autre chose, c’est probablement au stade de la compréhension que la principale difficulté demeure encore aujourd’hui. Comment allier but non lucratif et réalisation d’activités concurrentielles ? Comment allier efficacité économique et efficience sociale ? C’est sur ces approches complexes que nous concentrerons plus que jamais toute notre énergie pour servir les différents modèles de transformation possibles.

Face à cette complexité il s’agit, d’un point de vue méthodologique, de définir les priorités.

Pour bon nombre d’ISBL, la pérennité de leur modèle économique repose désormais sur : d’une part, leur capacité à mixer différentes formes de ressources (subventions, produits des activités, mécénat…) : d’autre part, leur faculté à travailler en réseau et bien plus, à se regrouper afin de rationaliser l’action qu’elles proposent sur un territoire spécifique.

Cette démarche de la part des ISBL implique un savoir-faire particulier reposant le plus souvent sur leur capacité à partager les actions qu’elles mènent avec d’autres structures, hier concurrentes et aujourd’hui susceptibles de devenir des partenaires dans un cadre de mutualisation ou sous une forme plus intégrée impliquant le regroupement pur et simple (sous forme de fusion) de plusieurs opérateurs intervenant sur un champ d’activités identique. Ces différentes opérations de restructuration entraînent généralement, pour ces organismes, l’obligation de s’interroger sur l’adoption d’un nouveau modèle économique[1] impliquant une nouvelle organisation juridique et fiscale. Un exemple concret : si la fusion de deux ISBL peut être envisagée en franchise d’impôt IS[2], le regroupement des produits d’activités lucratives initialement réalisées par les ISBL avant rapprochement, est susceptible de générer un dépassement de la franchise commerciale[3] (61.134 € pour 2017) à la date de mise en œuvre effective de la fusion, ce qui a pour conséquent d’entraîner la fiscalisation de la structure absorbante. Dans ces conditions, c’est tout le modèle économique qu’il convient de revoir, soit en prévoyant une sectorisation comptable[4] desdites activités commerciales accessoires, soit en externalisant ces activités dans une filiale[5] préalablement constituées.

D’autres ISBL doivent à un moment donné de leur parcours s’interroger sur leur régime fiscal, en fonction de la nature de l’évolution de leur activité principale. Pour certaines d’entre elles, en fonction de cette évolution,  le risque de fiscalisation devient de plus en plus prégnant : soit parce qu’elles ont dû compenser une diminution des subventions perçues soit parce qu’elles ont dû répondre à des opportunités relevant du secteur concurrentiel pour valoriser leur savoir-faire.  Face à de telles situations, il convient donc de s’interroger sur l’adoption d’une nouvelle organisation. Plusieurs options s’offrent à elles : soit accepter d’être fiscalisées aux impôts commerciaux (IS, TVA, CET, taxe d’apprentissage) mais dans ces conditions, il leur sera désormais impossible de mettre en place une politique de mécénat[6] et plus difficile d’obtenir des financements publics, et en particulier des subventions[7] ; soit créer une filiale commerciale, mais sous quelle forme ? Et dans cette hypothèse, quid de la perception de cette démarche par leurs propres membres, leurs financeurs publics et partenaires ? ; soit éventuellement se transformer en société coopérative[8] de préférence de type SCIC[9], ce qui implique des changements importants dans le mode de gouvernance et la manière de gérer la structure[10].

Lorsque l’ISBL envisage de créer une filiale, notamment pour préserver le cœur de métier initial (qui lui doit demeurer fiscalement non lucratif), plusieurs problématiques doivent être résolues en amont : quid de la forme de la filiale, laquelle pourra être sous une forme classique de société commerciale, SASU, SARL… ou de nature à maintenir l’organisation globale dans le champ de l’ESS par l’obtention de l’agrément ESUS[11] (permettant d’obtenir des fonds spécifiques issus de l’épargne salariale ou de bénéficier de dispositifs de financement spécifique de la BPI France) ? Quid des modalités de gouvernance de la filiale à mettre en place, lesquelles devront impérativement respecter les critères posés par l’administration fiscale[12] pour tenir éloigné le risque de globalisation fiscale ? Quid du projet associatif initial qui devra être remodelé afin que l’« association-holding »[13] conserve une utilité dans le nouveau schéma organisationnel ? Quid des salariés, dont le temps de travail se partageait quelques fois entre « secteur non lucratif » et « secteur lucratif » au sein de l’association initiale ? Comment optimiser les sources de financement, entre association-mère et filiale commerciale ? En effet, ces nouveaux modèles économiques permettent à l’association mère[14] non seulement de continuer à percevoir des subventions publiques, mais également d’orienter ses sources de financement plus innovants (tels que le mécénat, le crowfunding ou financement participatif[15], voire même la mise en œuvre de contrat à impact social[16]), tout en espérant pouvoir bénéficier des distributions de dividendes[17] générées par la filiale ? Mais dans de tels schémas, il conviendra en amont d’engager une procédure de reconnaissance d’intérêt général[18] en vue de sécuriser la situation de l’organisme bénéficiaire comme celles des mécènes potentiels. Dans de telles situations, de nombreuses autres questions doivent être abordées en ce qui concerne la mise en œuvre d’une politique de mécénat[19] : l’association-mère est-elle en mesure de mettre en œuvre directement cette politique ou doit-elle au contraire déléguer cette fonction à un fonds de dotation[20] qu’elle aura préalablement constitué ?

En raison de ces situations complexes ISBL consultants, se tient à vos côtés, tant dans une dimension informative que prospective : deux approches complémentaires qui nous paraissent fondamentales depuis la naissance de ce projet collaboratif. Dans ces perspectives d’approche nous avons souhaité engager une démarche de partenariat avec Le Rameau et aurons encore le plaisir d’enrichir notre équipe d’experts au cours des prochains mois. Toujours dans le but d’appréhender les multiples facettes de notre démarche visant à défendre, promouvoir et optimiser la multiplicité des démarches entrepreneuriales susceptibles d’être mise en œuvre par les ISBL.

Colas AMBLARD

Docteur en droit – Avocat associé

Chargé d’enseignement à l’Université Jean MOULIN Lyon III

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Les Notes :

[1] X. Roussinet, C. Amblard, Rapprochement d’associations : une opportunité pour repenser son modèle économique ? Edito, ISBL magazine, 29 sept. 2016
[2] Sauf droit d’enregistrement (375 €) en application de l’article 816 du CGI
[3] CGI, art. 206, 1 bis ; 261, 7-1° b et 1447, II
[4] Bofip impôts – BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10, n°120 et s.
[5] Bofip impôts – BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 n°580 et s.
[6] CGI, art. 200 et 238 bis
[7] A.-C. Vivien, Les associations et les aides publiques européennes, Lamy Assoc., Bull. Actu. n°230, oct. 2014
[8] L. n°47-1775 du 10 sept. 1947, art. 28 bis, al. 1
[9] L. n°2001-624 du 17 juill 2001
[10] C. Amblard, Transformation des associations : Les nouvelles opportunités offertes par la loi ESS, Lamy Associations, Bull. Actu. n°234, févr. 2015
[11] L. n°2014-856 du 31 juill. 2014 relative à l’ESS, art. 11 (codifié C. travail, art. L. 3332-17-1)
[12] Bofip impôt – BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 n°640
[13] C. Amblard, L’association holding : l’entreprise du futur ? Juris-assoc. n°525 1er oct. 2015
[14] C. Amblard, L’intérêt pour les associations de créer un fonds de dotation, Lamy Associations, Bull. Actu. n°181, avril 2010
[15] C. Amblard, Financement participatif : un nouveau cadre juridique à disposition du secteur associatif, Lamy Assoc., Bull. Actu. n°228, juill. 2014
[16] C. Amblard, Les contrat à impact social : pour un véritable contrat « triple gagnant », ISBL MAGAZINE, Edito. avr. 2016
[17] CGI, art. 145 et 216
[18] C. Amblard, Utilité sociale, Intérêt général, utilité publique : optimiser son modèle économique, Juris-assoc. n°546, 16 oct. 2016
[19] C. Amblard, Intérêt général : du projet à la structure, Juris-assoc. n°562, 1er juill. 2017
[20] C. Amblard, Fonds de dotation, une révolution dans le monde des ISBL, Ed. Wolters Kluwer, collec. Lamy Axe droit, 2ème édition, déc. 2015